Le manifeste fondateur
L’association QuotaClimat s’est constituée autour d’une requête précise et claire : que les journalistes et les rédactions prennent l’engagement volontaire de mettre l’accent sur les enjeux, les conséquences et les solutions face à la crise écologique, à hauteur de 20% de l’espace audiovisuel disponible.
Voici l’intégralité de la tribune publiée dans le Journal du Dimanche et signée par plus d’une cinquantaine de personnalités publiques.
Les effets du changement climatique sont désormais tangibles et, pour beaucoup, irréversibles. L’inertie des phénomènes climatiques est telle, que nous vivrons dans quelques années les conséquences ravageuses de nos modes de vie incompatibles avec les limites planétaires. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a de nouveau sonné l’alarme le 4 avril dernier, de manière encore plus criante que lors de la publication de ses précédents rapports.
Pourtant, l’indifférence règne. Le murmure médiatique est imperceptible. Aucun expert du GIEC n’a été invité à parler des impacts climatiques vertigineux qui nous attendent, aucun journaliste spécialisé sur l’environnement n’a été invité en plateau télévisé. La faible place accordée au climat dans les médias est plus sidérante encore que nous nous apprêtons à voter pour l’élection présidentielle, qui constitue l’un des moments démocratiques les plus mobilisateurs en France. Plus que jamais, l’information et la sensibilisation doivent être au rendez-vous. Or, nous avoisinons le silence.
Certes, l’actualité médiatique est accaparée par une guerre déstabilisant de façon historique le continent européen. Mais la perspective de canicules mortelles en France à horizon 2050, dans un scénario +1,5°C de réchauffement mondial, de l’exposition de plus d'un tiers de la population européenne à des pénuries d'eau, ou encore de l’extinction définitive de presque 30% de la biodiversité avec 3°C de réchauffement, devraient engager au volontarisme sur cet enjeu. Il n’est pas question de faire de l’ombre à l’invasion russe en Ukraine et au désastre humanitaire qu’elle provoque, mais de mettre en lumière celui qui se prépare et qui est, pour 3,3 milliards d’individus sur Terre, déjà une réalité.
Pour sécuriser notre avenir et celui des prochaines générations, nous devons planifier sans attendre. Les médias doivent faire plus de place à la crise écologique afin d’alimenter le débat public sur le sujet. Actuellement, leur rôle doit être d’amener les candidats à la présidentielle à nous exposer, dans des programmes comportant objectifs chiffrés, ressources humaines, matérielles comme financières, échéances et modes de gouvernance, leurs solutions pour parvenir à respecter la stratégie que nous nous sommes fixée. Le Pacte Vert européen, la Stratégie nationale Bas Carbone, la Stratégie nationale Biodiversité, sont des feuilles de route déjà établies. Nous y conformer devrait être systématique, et les candidats nous sont redevables d’une exposition détaillée de la façon dont ils comptent y parvenir.
Nous devons parler du climat et de la biodiversité. La situation environnementale devrait être sur toutes les lèvres. 80% des Français sont préoccupés par le changement climatique (Ipsos, mars 2022). Un jeune sur deux déclare souffrir d’éco anxiété (pensées obsessives, pertes d’appétit, troubles du sommeil, perte de sens…). Dans ce contexte, des débats quotidiens devraient avoir lieu sur les différents plans d’action, la place des technologies et celle de la sobriété, nos stratégies d’adaptation, le rôle de la puissance publique, des entreprises et des individus, l’accompagnement social, la solidarité vis-à-vis des pays les plus impactés. Il y a tant à dire, tant à faire. Il y a surtout urgence : la fenêtre d’opportunité pour agir est brève. Bientôt, il sera trop tard, même pour s’adapter.
Nous ne formulons qu’une requête : que les journalistes et les rédactions prennent l’engagement volontaire de mettre l’accent sur le climat et la biodiversité à hauteur de 20% de l’espace audiovisuel disponible.
Sans cette exigence d’information sur les programmes climatiques et environnementaux, ces enjeux resteront toujours secondaires face à une actualité dense axée sur l’immédiateté. Le malheur de la catastrophe climatique réside bien dans son échelle de temps, en déconnexion avec un monde dicté par l’instantanéité.
Alors que le temps presse, après des décennies d’alertes, prenons enfin, tous ensemble, la mesure de l’urgence. Journalistes, informez-nous sans cesse. Responsables politiques, accompagnez-nous sans tarder vers un horizon vivable et désirable. Prescripteurs, scientifiques, artistes, influenceurs, personnalités publiques : faisons, enfin, du climat et de la biodiversité la priorité.
Pourquoi un quota ?
Le concept de quota est particulièrement tabou d’autant plus lorsque celui-ci est transposé au monde de la presse, qui doit préserver toute sa liberté d’expression.
A ce stade, notre requête demande l’engagement volontaire des rédactions à mettre l’accent sur la crise écologique et ses enjeux. Une impulsion nous paraît absolument nécessaire, c’est pourquoi nous suggérons ce quota comme un cap.
Aussi, nous ne considérons pas le quota comme une solution unique, mais plutôt un outil à fort potentiel pour pallier une défaillance, pour corriger une inégalité et avoir des données objectives pour suivre son amélioration.
Le quota n’est toutefois pas parfait. C’est pourquoi, chez QuotaClimat, nous rappelons toujours qu’il y a en fait un triple enjeu : de quantité, de qualité de l’information, et de transversalité. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, ces conditions ne sont pas remplies.
Pourquoi 20 % ?
Nous demandons à ce que les rédactions et les journalistes prennent l’engagement volontaire de dédier 20% de l’espace médiatique disponible aux enjeux de la crise écologique.
Actuellement, le dérèglement climatique et l’extinction du vivant occupent en moyenne 3% du temps médiatique (cf baromètre de l’Affaire du siècle), y compris lorsque l’actualité serait propice pour en parler davantage (publication du rapport du GIEC, catastrophes naturelles, crise de l’énergie etc).
C’est pourquoi, nous considérons qu’un objectif de 20% de l’espace médiatique dédié à l’urgence écologique est un objectif peu élevé, pour plusieurs raisons :
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20% c’est peu lorsque l’on réalise que la crise écologique est intrinsèquement liée à de nombreux sujets d’actualité. Elle devrait donc être abordée de façon transversale lorsque l’on parle du pouvoir d’achat, des enjeux d’emploi, d’alimentation, d’agriculture, de transports, d’infrastructures, de géopolitique, de concurrence, mais aussi de sécurité, etc.
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20% c’est peu lorsque l’on compare le traitement médiatique des crises. Par exemple, le COVID a pu occuper jusqu’à 75% de l’espace médiatique, selon l’INA. S’il s’agissait effectivement d’une crise sanitaire sans précédent, il faut comprendre que la crise écologique pourrait engendrer l’effondrement de notre propre espèce si nous ne dévions pas de trajectoire rapidement.
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20% c’est donc peu lorsque l’on comprend enfin qu’il s’agit de notre priorité absolue.
Des milliers de signataires
Stacy Algrain, Fondatrice Penser l'Après
Yann Arthus Bertrand, Fondation GoodPlanet
Matthieu Auzanneau, Directeur du Shift Project
Delphine Bagarry, Députée
Lucie Basch, Co-fondatrice et Présidente de TooGoodToGo
Delphine Batho, Ancienne ministre de l'Environnement et députée
David Belliard, Conseiller à la Mairie de Paris
Pia Benguigui, Présidente du RESES
Gilles Boeuf, Biologiste
Fabrice Bonnifet, Directeur Développement Durable chez Bouygues
Valérie Brisac, Directrice exécutive du Grand Défi des entreprises pour la planète
Christophe Cassou, Climatologue et Directeur de recherche au CNRS, auteur principal du 6e
rapport du GIEC
Christophe Caille, Président Groupe Rive Neuve et Entrepreneurs pour la Planète
Marie Castelli, Directrice Affaires publiques chez Back Market
Annie Chapelier, Députée
Jean-Charles Colas-Roy, Député
Valérie David, Directrice Développement Durable Eiffage
Sophie Dubuisson-Quellier, Chercheuse CNRS
Nicolas Dufrêne, Haut fonctionnaire et directeur de l'Institut Rousseau
Juliette Duquesne, Ex-journaliste TF1
Eric Duverger, Co-fondateur de la Convention des Entreprises pour le Climat
Lamia Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France
Grégoire Fraty, Membre de la Convention Citoyenne pour le Climat
Thomas Friang, Fondateur et directeur de l'Institut Open Diplomacy
Jean-Luc Fugit, Député et Président du Conseil national de l'Air
Albane Gaillot, Députée
Arnaud Gossement, Avocat spécialisé en droit de l'Environnement
Alain Grandjean, Président de la Fondation pour la Nature et l'Homme
Géraud Guibert, Président de La Fabrique Ecologique
Guilhem Guirado, Joueur de Rugby
Céline Guivarch, Directrice de recherche au Cired
Jean-Marc Jancovici, Président de The Shift Project
Arthur Keller, Spécialiste des risques systématiques
Bettina Laville, Conseillère d'Etat et Présidente du Comité 21
Axel Leclercq, Rédacteur en chef POSITIVR
Sandrine Le Feur, Députée
Benoît Leguet, Directeur Institute for Climate Economics (I4CE)
Maud Lelièvre, Présidente du Comité français de l'UICN
Corinne Lepage, Ancienne ministre de l'Environnement et avocate
Cécile Lochard, Directrice Développement durable Guerlain
Noël Mamère, Ancien Député et ancien Maire de Bègles
Valérie Masson-Delmotte, Chercheuse senior au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement
Dominique Méda, Professeur d'université
Nathan Méténier, Jeune Conseiller Climat du Secrétaire Général de l'ONU
Marjolaine Meynier-Millefert, Députée
Frédéric Moncany de Saint-Agnan, Président du Cluster Maritime Français
Jean Moreau Fondateur, CEO de Phenix et Président d'Impact France
Paloma Moritz, Journaliste à Blast
Caroline Neyron, Directrice Impact France
Anne-Sophie Novel, Journaliste au Média Vert
Juliette Nouel, Journaliste
Matthieu Orphelin, Député
Magali Payen, Fondatrice du mouvement On est prêt
Armelle Perrin-Guinot, Directrice adjointe au Développement durable chez Veolia
Virginie Raisson-Victor, Fondatrice Grand Défi des entreprises pour la planète
Cédric Ringenbach, Président de la Fresque du Climat
Eva Sadoun, Fondatrice de Lita.co et présidente du Mouvement Impact France
Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, Directeur général de ZACK
Arnaud Schwartz, Président de France Nature Environnement
Marion Simon-Rainaud, Journaliste aux Echos Start
Pierre Souvet, Président de l'Association Santé Environnement France
Aurélien Taché, Député
Fabien Verso, Journaliste à Brut
Yann Wehrling, ancien ambassadeur de France pour
l'Environnement