Jeudi 6 novembre, le Conseil d’État a rejeté le recours porté par CNEWS contre la sanction de l’Arcom pour propos climatosceptiques. Il s’agit d’une décision majeure qui fait jurisprudence en France et qui peut inspirer de nombreux pays à l’échelle internationale. C’est aussi la première fois que la plus haute juridiction administrative se prononce sur un cas de désinformation climatique diffusé dans l’audiovisuel français. Un signal fort qui marque la fin de l’impunité face à la diffusion de fausses informations sur le climat !
Des propos climatosceptiques et complotistes
Rappel des faits :
Le 8 août 2023, sur CNEWS dans l’émission « Punchline Été », l’économiste Philippe Herlin tenait les suivants :
« Le réchauffement climatique anthropique est un mensonge, une escroquerie. (…) Nous expliquer que c’est à cause de l’Homme ça non, ça c’est de l’ordre du complot, et pourquoi ça a autant de poids ? Parce que ça justifie l’intervention de l’État dans notre vie, et ça absout l’État de devoir diminuer ses dépenses publiques. (…) C’est une forme de totalitarisme ».
Le tout sans aucune réaction en plateau. Nous avons donc saisi l’Arcom (l’autorité de régulation de l’audiovisuel) pour climatoscepticisme sans contradiction.
L’Arcom sanctionne, CNEWS conteste
L’Arcom délibère et rend sa décision le 10 juillet 2024 : la chaîne est sanctionnée avec une amende à hauteur de 20 000€.
Elle déclare que « l’intervenant a pu exprimer une thèse controversée et non vérifiée par les données acquises de la science sans que la position qu’il défendait ne soit mise en perspective et sans qu’une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos ».
Cette étape est déjà une première mondiale ! Aucune autorité de régulation n’avait jamais émis une sanction financière pour un manquement concernant un sujet environnemental.
C’est aussi une avancée majeure : le climatoscepticisme n’est dès lors plus considéré comme une opinion, mais comme de la désinformation.
CNEWS conteste la décision et forme un recours auprès du Conseil d’État. Ses arguments : l’autorité de régulation aurait « fait une inexacte application de ses pouvoirs », la sanction serait « disproportionnée et porteuse d’une atteinte excessive à la liberté d’expression ».
Le Conseil d’État rejette les arguments de CNEWS
Jeudi 6 novembre, la plus haute juridiction administrative rend sa décision : CNEWS doit être sanctionnée.
Le Conseil d’État conclut comme l’Arcom que la chaîne n’a pas apporté de « contradiction à ces propos grossièrement erronés et manifestement non conformes aux données acquises par la science, de surcroît accompagnés de propos de caractère complotiste ».
Cette décision est un pas de géant dans la lutte contre la désinformation climatique. Elle marque la fin d’un régime d’impunité face à la diffusion de fausses informations sur le climat dans l’espace médiatique, où la production d’information obéit à des contraintes déontologiques et légales.
CNEWS, championne de la désinformation climatique
Dans notre rapport publié en octobre dernier, avec Science Feedback et Data for Good, nous alertions :
- CNEWS est responsable de 150 cas de mésinformation sur 529 détectés entre janvier et août 2025.
- Alors que la couverture médiatique du changement climatique au sein de la chaîne est particulièrement basse, elle diffuse près de deux fois plus de désinformation que ses homologues.
- CNEWS fait partie des quatre principaux vecteurs de désinformation climatique dans le paysage audiovisuel français, aux côtés de Sud Radio, Europe 1 et RMC.
Les sanctions financières sont, avec la formation des rédactions et la protection des médias d’intérêt public, l’un des leviers clés pour combattre la désinformation climatique.
Or, pour qu’elles soient vraiment dissuasives, les sanctions de l’Arcom doivent être appliquées de manière proportionnelle au manquement. Pour cela, il est nécessaire de clarifier ses compétences, en affirmant que l’état des connaissances scientifiques sur le climat doit être considéré comme un fait.
C’est l’une des mesures de la proposition de loi que nous avons initiée pour garantir le droit des citoyens à l’information environnementale, déposée en 2024 par Stéphane Delautrette et soutenue par près de 100 députés. Si les présidents de groupes parlementaires se mobilisent pour la mettre à l’ordre du jour, elle pourrait être débattue début 2026 à l’Assemblée nationale.
