Clôturée ce 22 novembre au Brésil, la COP30 marque un tournant en plaçant pour la première fois l’intégrité de l’information climatique au cœur des débats – un signal fort renforcé par le discours de Lula – et des négociations. Si une première déclaration internationale sur l’intégrité de l’information a suscité des engagements inédits, la conférence a été entachée par des reculs inquiétants sur plusieurs sujets, entre autres en ce qui concerne les références scientifiques. Or, la lutte contre la désinformation climatique ne sera efficace sans science robuste, intègre et prise en compte dans les politiques publiques et privées.
Historique : une déclaration pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique, signée par 19 pays, a vu le jour
Cette déclaration est le résultat d’une initiative mondiale – portée par le Brésil, les Nations unies et l’Unesco et rejointe par la France, lancée à l’occasion du G20, fin 2024. Son but est d’inscrire cette thématique à l’agenda international.
C’est une première mondiale, car jusqu’à présent, les pays n’avaient pas d’engagements en matière d’intégrité de l’information. Si elle n’est pas contraignante, elle peut permettre aux citoyens de demander des comptes à leurs Etats en cas de manquement à leurs engagements.
Signée par 19 pays et publiée le 12 novembre, elle contient notamment :
- Une reconnaissance du rôle des médias dans l’action climatique mondiale
- Une incitation à améliorer la couverture médiatique des enjeux environnementaux
- Un engagement des États signataires à développer des politiques publiques et instruments légaux pour lutter contre la désinformation climatique
Prochaine étape : l’élaboration d’un plan d’action national par chaque pays engagé (Allemagne, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Islande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Slovénie, Uruguay).
Après le Brésil, la Belgique devient le deuxième pays de l’Initiative à s’engager à une véritable action dédiée
Le 19 novembre, à la COP30, le ministre fédéral belge du climat Jean-Luc Crucke annonçait le lancement d’un plan d’action national de lutte contre la désinformation climatique. L’association QuotaClimat a été sélectionnée dans le cadre du marché public lancé par la Belgique pour détecter la désinformation climatique dans les médias traditionnels, aux côtés de ses partenaires Data For Good, Science Feedback et Mediatree.
De son côté, la France a annoncé avoir amorcé un travail similaire.
« Nous resterons attentifs à ce que les engagements français soient rapidement rendus publics, et à la hauteur de l’enjeu. En France, l’action est urgente, car le phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Pour rappel, notre dernier rapport fait état de 529 cas sur les 8 premiers mois 2025 dans l’audiovisuel français », rappelle Jean Sauvignon, head of data de QuotaClimat.
Dans les négociations, des ambitions revues à la baisse et des reculs préoccupants sur les références scientifiques
En ce qui concerne la lutte contre la désinformation climatique, l’enjeu de cette COP était d’inscrire « l’intégrité de l’information sur le changement climatique » dans deux items de négociation :
- Action for Climate Empowerment : malgré le portage de l’Union européenne, le sujet n’a pas été intégré aux conclusions. La question est renvoyée à la COP31.
- Research and Systematic Observation (RSO) : pour la première fois, l’intégrité de l’information sur le changement climatique est mentionnée dans des conclusions techniques adoptées au consensus. Cependant, le texte a été fortement affaibli en ce qui concerne la protection de l’intégrité scientifique. L’Arabie Saoudite, le Kenya et l’Inde ont demandé la suppression de certaines références scientifiques, notamment celles du GIEC dans le premier paragraphe – qui établissait que le GIEC est à la base de l’Accord de Paris. Ces pays affirment que la production de connaissance scientifique des pays en développement n’est pas suffisamment considérée dans ces instances, faute de financements suffisants. En parallèle, l’Union européenne avait proposé une mention explicite de la « mésinformation climatique », mais l’Arabie saoudite s’y est opposée défendant que la définition du concept est subjective.
Les observations spécifiques à l’accord final
Au niveau politique :
- Le « Mutirao » contient une mention spécifique de l’intégrité de l’information sur le changement climatique, et reconnaît cette COP comme étant la « COP de la vérité » – une première. Il intègre également la centralité de la meilleure connaissance scientifique disponible, provenant du GIEC, dans l’action climatique.
Au niveau technique :
- Le plan d’action de Belém sur le genre inclut dans sa priorité A, indicateur 5.2, un item dédié à l’élaboration d’outils et de stratégies pour lutter contre la mésinformation et désinformation sur les enjeux de genre et de climat
- Au-delà textes contiennent des reculs en termes de référence au GIEC et de prise en compte de la science :
- Programme de travail sur l’atténuation : la mention de « best available science » (meilleure connaissance scientifique) est détachée du paragraphe suivant, qui « note » les observations du GIEC sur la cible 1.5°C plutôt que de la considérer comme un élément fondamental.
- Mécanisme international de Glasgow sur les pertes et dommages : le paragraphe 21b indique que la meilleure connaissance scientifique « inclut » le GIEC sans lui octroyer de statut spécifique.
- Objectif mondial d’adaptation : les indicateurs sont adoptés, mais sans le reste du travail fourni par le comité des 30 scientifiques à leur origine (raison d’être des indicateurs, désagrégation, moyens d’implémentation, etc.) suscitant un vif mécontentement de leur part et une inquiétude sur la portée du travail adopté.
« Cette COP entérine des reculs préoccupants en ce qui concerne la reconnaissance des références scientifiques – précondition de l’intégrité de l’information sur le changement climatique. », souligne Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat. « Malgré ces reculs scientifiques majeurs, cette COP a révélé une vraie volonté politique de lutter contre la désinformation climatique qui, nous l’espérons, se concrétisera par des avancées tangibles à la COP31. »
Crédit photo : Ueslei Marcelino/COP30
